Depuis plus de 20 ans, les Chantiers-Éducation, créés au sein des AFC,
répondent à ce besoin des pères et mères dans leur mission de premiers et de principaux éducateurs de leurs enfants.
Ouverts à tous, les « Chantiers » sont un lieu d'écoute, d'échange et de partage sur les questions éducatives.
Ils permettent ainsi aux parents d'enrichir leurs expériences
quotidiennes d'éducation et de prendre confiance dans leur capacité à
éduquer leurs enfants, non pas avec des solutions toutes faites mais en
se posant les bonnes questions pour trouver des solutions adaptées pour
chacun de leurs enfants.
En 2015, le thème de l'année est « Être et paraître ». Nous vous
livrons ici le contenu des conférences données à l'occasion des Assises
des Chantiers-Éducation sur ce thème.
L'être et le paraître
Notes de la conférence de Jean-Noël Dumont, agrégé de philosophie
Quand je regarde autour de moi, je vois que le monde vivant est
essentiellement déployé dans la parure. Cette parure nous place dans une
démarche de signes. Ces signes sont des artifices, c'est à dire des
produits, des inventions qui ont déplacés des données brutes, des
dissimulations.
Tous, nous avançons masqués.
Cet artifice nous met dans la confiance ou dans le soupçon. Cette
question se pose dans le cadre de l’éducation : nos enfants se cachent
derrière des personnages qu’ils reçoivent, qu’ils investissent. Pourtant
on pourrait penser ne pas en avoir recours en famille. Mais la nudité
est impossible.
Il existe trois chemins :
- Le désir de vérité nous fait percevoir, espère que
ce qui est vrai est l’identité. On voit que les choses qui cachent ce
qu’elles manifestent. Il faut passer de ce qui est précaire à ce qui est
identique à soi : distinction entre l’être et le paraître et l’être et
le devenir.
- Le désir de liberté, d’autonomie. Le monde de l’apparence est celui où le sujet est sous le regard de l’autre: il essaye de se conformer au regard de l’autre.
- Chercher l’amour. Que voulons-nous? Nous voudrions une rencontre où nous puissions nous avouer. Aimer c’est pouvoir dire je veux que tu sois selon St Augustin.
L’innocence nous est donc impossible. Nous ne pouvons pas lever les apparences.
- La parure est inévitable et gratuite. Le vivant ne peut subsister que s’il se pare.
- Le paraître cache et manifeste. La parure est aussi
pour faire honneur à ce qu’elle cache. Elle n’est pas la dissimulation
de ce qui est honteux. Elle est l’honneur rendu à ce qui a du prix.
- La parure nous inscrit et nous distingue. Elle nous
inscrit dans une classe sociale, dans une situation professionnelle. Si
nous n’étions pas habillés pareil, le groupe serait en danger, si nous
étions tous habillés pareil, le groupe serait aussi en danger. Si nous
choisissons tel vêtement, c’est pour susciter le désir d’être reconnu,
désiré.
Nous pouvons vivre de trois manières.
- Le sérieux naïf s’identifie à ses fonctions, ses titres, ses
vêtements. Il est exposé à notre regard sans distance. Il n’a pas perçu
la relativité des signes. Il se sentira agressé pour la moindre
critique.
- L’ironiste. Il ne reste que dans un jeu d’interprétation. Il se
présente comme une énigme. On ne sait jamais à qui on a à faire. Le
séducteur est ironique.
- Celui qui pratique l’humour. L’humour est la forme concrète de la liberté. Il assume les apparences sans les disqualifier.
Notre humanité est dans cette dualité nécessaire de l’être et le paraître.
Cette oscillation nous propose 2 voies de sorties : la confiance en
quittant la naïveté et le soupçon et l’agir: le seul moment où on pense
que l’être et le paraître ne font qu’un c’est dans l’agir. Nous avons
besoin de produire. Cela permet de relativiser l’enjeu de l’être et le
paraître.
Si on veut aider les jeunes à grandir, la question du paraître se pose de plus en plus tôt : dès le primaire.
Notes de la conférence du Père Philippe Verdin, conseiller ecclésiastique de la CNAFC.
Comment aider ces jeunes ?
Je vous propose deux manières :
- Développer une contre-culture en découvrant d’autres postures que celle d’être esclave de la société de consommation.
- Imprégner la culture dans laquelle on est.
Ces deux postures sont à maintenir ensemble : apprendre à être
clairvoyant, à être capable de deviner les autres sans tenir compte du
paraître, découvrir l’être.
Le grand défi est de paraître ce que l’on est. La tentation est de
paraître ce que nous ne sommes pas, de donner une autre image de
nous-mêmes. Le paraître dit quelque chose de notre intérieur.
Comment être naturel ?
Comment réussir à transformer notre regard, notre cœur pour voir au-delà de l’apparence, à percer les apparences ?
Du
point de vue de la foi, c’est le propre de Dieu de connaître l’être.
C’est le choix de Samuel quand il a dû choisir un roi chez les fils de
Jessé. Dans Isaïe, un rejeton sortira de la souche de Jessé. «
Il ne jugera pas selon son apparence. Et lui-même ne devra pas être jugé selon son apparence. »
Aujourd’hui nous ne sommes plus dans une culture de la voix, mais dans une culture de l’image.
L’ouïe est un sens plus lent que la vue. Et pourtant, Dieu utilise les
deux. Devant Moïse, il utilise l’image du buisson ardent, puis il parle.
La tentation du peuple juif est d’en rester à l’image. On veut des
idoles qu’on peut voir et toucher. «
Heureux celui qui croit sans avoir vu. » Quand nous serons au ciel, nous verrons Dieu tel qu’il est. La vision sera parfaite au ciel.
Être c’est participer à la vie de Dieu «
Je suis » se révèle
Dieu à Moïse. Exister en étant libre, en étant soi-même, faire la
vérité sur ce que nous sommes. Et ensuite paraître ce que nous sommes.
L’étape suivante est être ce que Dieu désire, dans la beauté de ce que Dieu veut que nous soyons.
Si Dieu veut que nous révélions notre être au contact de sa parole,
il faut être perméable à Dieu. Tendre son oreille : Dieu nous parle tout
le temps. Dieu nous parle aussi par le ressenti, par ce que nous
éprouvons. Il faut se déposséder de ses masques pour que Dieu puisse
aller jusqu‘à nous.