Nous vivons dans une époque désincarnée dans laquelle le sens chrétien du corps s’est effacé.
Essayons de décrypter ce qui a cours aujourd’hui, puis de regarder ensuite ce que nous dit la Révélation.
Aujourd’hui, le corps est le lieu de mon plaisir.
Le corps est sommé de me procurer du plaisir, de me montrer à l’admiration d’autrui, «
Parce que je le vaux bien ! » de donner à voir une image de moi qui me valorise mais non pas ce que je suis.
Nous sommes dans une époque qui se déshabille mais qui ne se dévoile pas ! (« Tous à poil ! »)
On dira facilement « j’ai un corps », « mon corps m’appartient »,
comme s’il s’agissait d’une possession matérielle. Je dois pouvoir tout
choisir et donc modeler mon corps et mon image par la mode, la chirurgie
esthétique, les écrans (mon « profil »), le sport, les remises en forme
de toutes sortes. A contrario, on cache le corps malade, vieillissant,
handicapé, souffrant, mort. Rappelez-vous le 2 avril 2005 et les mois
qui ont précédé : la maladie de plus en plus invalidante puis la mort de
Jean Paul II. Nous avons vécu une chose incroyable pour notre époque :
la maladie et la mort quasi publique de notre Pape tout à fait à rebours
de nos critères occidentaux.
Notre époque porte un regard que l’on peut qualifier de néoplatonicien sur le corps.
Le
néoplatonisme se développe au 3ème siècle sous l’influence de Plotin
comme chef de file. Ce courant voit le corps comme « la prison de l’âme
». Le monde sensible, la matière, le corps est le dernier degré de
développement.
Pour Plotin, la matière est identifiée au mal. L’homme
doit accorder à son âme toute l’attention, au détriment même de son
corps. Nous voyons que nous sommes dans cette même dualité, mais en
miroir.
Que nous dit la Révélation ?
L’incarnation du Christ est l’événement central de l’histoire humaine. L’Ecriture nous dit «
Le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous ».
Le Christ ne « prend » pas un corps, comme il aurait pu
prendre un objet, se munir d’une monture-corps, mais il se « fait chair
».
Saint Paul est au carrefour de deux cultures : la culture grecque et
la culture juive. C’est un juif hellénisé qui intègre deux modèles
anthropologiques concurrents : le modèle grec qui pense l’homme à partir
des catégories classiques : corps, cœur, raison et le modèle biblique
pour qui l’homme se définit par un principe de vie (nephesh ou âme) uni à
la chair et au sang. Il parlera le plus souvent de l’homme en tant que «
chair » et « esprit ». (Mais il ne confond pas la chair (sarx) et le
corps (soma).)
L’anthropologie chrétienne a toujours enseigné l’existence d’une
grande unité entre toutes ces catégories qui aident à comprendre la
personne humaine.
Mais la réflexion sur les « catégories » alimente
beaucoup plus les débats que la réflexion sur « l’unité » elle-même, au
détriment de cette dernière. N
ous devons insister beaucoup sur cette unité de la personne humaine.
Nous devrions dire « je suis un corps, je suis un cœur, je suis une âme
» pour mettre l’accent sur l’unité de toute notre personne.
Avec
JPII et la théologie du corps, nous découvrons la vocation sponsale* de
toute la personne humaine. JPII va même jusqu’à dire «
La conscience de la signification sponsale du corps constitue l’élément fondamental de l’existence humaine ». Audience du 16/1/80.
Mais revenons à l’éducation affective et sexuelle ! Nous
devons donc transmettre cette unité à nos enfants et les aider peu à peu
à faire l’unité de toute leur personne
Nous voyons que pour les tenants des théories du genre gender,
l’homme est fait d'un corps et de comportements, qui sont complètement
dissociés, et l'homme et la femme sont en compétition.
Dans une
vision (schématique !) chrétienne, l’homme est fait d'un corps, d'un
cœur et d'une âme, ou encore de la chaire et de l'esprit, mais dans une
grande unité. Et l'homme et la femme sont en coopération.
Ces deux visions sont donc inconciliables ! Il n’y a pas un « gender soft » qui serait compatible avec l’anthropologie X.
Une vision modelée par la défiance peut nous faire voir le corps
comme le lieu du péché que l’esprit devrait dominer et soumettre. Nous
sommes nous aussi, chrétiens, exposés au risque du néoplatonisme avec la
dualité corps-esprit, le corps étant inférieur et soumis au péché.
Autrement dit, dans ce que nous disons à nos enfants, le corps n’est pas
« sale » ou méprisable ou à soumettre à la force du poignet...
La sexualité est bonne par elle-même ! Elle est pour l’amour des
époux ; autrement dit « faire l’amour » fait l’amour du couple au sens
premier. L’enfant est le débordement de cet amour dans une nouvelle vie.
Elle n’est pas un mal nécessaire pour la génération ou un remède à la
concupiscence....
La vocation sponsale du corps ne sera dévoilée que peu à peu à
l’enfant. Elle est incompréhensible pour le petit enfant (<7ans) qui
est égocentré et doit passer par d’autres étapes avant d’accéder
progressivement à l’altérité et au don gratuit.
On passera par les étapes de l’hygiène, de la pudeur, de l’intimité,
du respect de l’autre, tout en éduquant peu à peu à rendre de petits
services gratuits, puis à rendre service spontanément etc, etc....
On sera attentif à l’unité de vie, à la cohérence de ce que chacun
vit (et d’abord les parents....) pour en faire une discipline de vie.
On aidera l’enfant à unifier ce qu’il a reçu (un corps masculin ou
féminin) et ce qu’il est appelé à devenir (un homme ou une femme) en
aidant à l’identification avec le parent de même sexe et en posant des
mots sur ce que le jeune observe par lui-même.
*
Caractérise l’amour spécifique entre un homme et une femme. Ce
terme est utilisé dans la Bible, comme d’autres traduisant la séduction
ou la passion, pour décrire l’amour de Dieu pour les hommes.